Les détectives du climat découvrent un relevé de température vieux de 30 ans
GENÈVE, le 23 septembre 2020 (OMM) – L’Organisation météorologique mondiale a reconnu que la température de –69,6 °C enregistrée par une station météorologique automatique au Groenland le 22 décembre 1991 était la température la plus basse jamais observée dans l’hémisphère Nord.
Le relevé correspondant, vieux de près de 30 ans, a été découvert par des «détectives du climat» grâce aux Archives mondiales de données concernant les extrêmes météorologiques et climatiques relevant de l’OMM. Ce record éclipse la valeur de –67,8 °C enregistrée sur les sites russes de Verkhoyanksk (février 1892) et d’Oimekon (janvier 1933). C’est la station météorologique de haute altitude de Vostok, en Antarctique, qui détient le record mondial de froid: –89,2 °C, le 21 juillet 1983.
Ces Archives contiennent des records tels que les valeurs maximales et minimales de la température et de la hauteur de précipitation à l’échelle du globe, la masse du grêlon le plus lourd, la durée de la période sèche la plus longue, la vitesse de la plus forte rafale de vent, la durée de l’éclair le plus long ainsi que le nombre de décès dus aux phénomènes météorologiques.
La station météorologique de Verkhoyanksk, qui détenait le précédent record de température la plus basse de l’hémisphère Nord, a fait la une des journaux lorsqu’elle a enregistré une température de 38 °C le 20 juin dernier, au cours d’une vague de chaleur prolongée en Sibérie. L’OMM vérifie actuellement s’il s’agit du nouveau record de température la plus élevée au nord du cercle polaire arctique (une nouvelle catégorie des Archives). L’enquête menée actuellement dans le sillage de cette évaluation portera aussi sur les éventuelles occurrences passées de températures élevées au nord du cercle arctique.
«Alors que nous vivons une époque de changement climatique, les records de chaleur reçoivent beaucoup d’attention. Ce nouveau record de froid attesté est un rappel important des contrastes frappants que présente notre planète», a annoncé le Secrétaire général de l’OMM, M. Petteri Taalas. «C’est grâce au dévouement des climatologues et des historiens de la météorologie que nous sommes désormais en mesure d’étudier un grand nombre d’anciens records et de mieux comprendre, à l’échelle mondiale, les extrêmes climatiques tant passés qu’actuels», a précisé M. Taalas.
Si la plupart des observations de phénomènes climatiques extrêmes évaluées dans le contexte de ces archives ont été effectuées au cours des dernières années, il arrive que les historiens du climat découvrent des données météorologiques longtemps négligées qui contiennent des informations climatiques importantes devant être analysées et vérifiées. Tel était le cas de l’évaluation, qui vient de s’achever, d’un relevé météorologique datant de près de 30 ans et concernant une station météorologique automatique établie sur un site isolé du Groenland appelé Klinck, situé à une altitude de 3 105 mètres, à proximité du sommet topographique de l’inlandsis groenlandais.
Cette station météorologique automatique a fonctionné pendant deux ans au début des années 1990 dans le cadre d’un réseau établi par l’université du Wisconsin à Madison, afin d’enregistrer les conditions météorologiques autour de la crête du Groenland pendant le Projet relatif à l’inlandsis groenlandais (GISP). En 1994, elle a été renvoyée en laboratoire pour être testée, puis installée en Antarctique.
Or, l’OMM n’avait pas commencé à évaluer les extrêmes mondiaux, puisque les Archives ont été créées en 2007. Ce record n’a été annoncé qu’après qu’un comité d’évaluation international de l’OMM rassemblant des spécialistes des régions polaires a retrouvé les scientifiques ayant relevé les données d’origine. Ce comité d’évaluation a félicité les scientifiques pour le soin qu’ils ont apporté à l’étalonnage et à la consignation des métadonnées de cette observation si ancienne. Une telle application est le signe d’une grande minutie et donc d’une observation de qualité élevée.
Après une analyse approfondie de l’équipement, des pratiques d’observation et de la situation météorologique synoptique en décembre 1991, le comité a recommandé à l’unanimité d’accepter l’observation.
«Cette enquête met en évidence la capacité des climatologues d’aujourd’hui non seulement de repérer les records climatiques modernes, mais aussi de jouer les "détectives du climat" et de mettre au jour d’importants records climatiques passés, créant ainsi un relevé climatique à long terme de grande qualité pour les régions du monde sensibles au climat», a déclaré le professeur Randall Cerveny, rapporteur de l’OMM pour les extrêmes météorologiques et climatiques.
Les enquêtes de l’OMM servent également à améliorer la qualité des observations grâce à l’analyse détaillée des pratiques d’observation et au choix d’un équipement approprié.
Selon George Weidner, qui a participé à la conception de la station météorologique automatique, il fallait sélectionner tous les éléments de celle-ci de façon qu’elle puisse fonctionner dans des conditions de froid extrême. «Au Groenland, toutes les installations ont été transportées par motoneige. La station météorologique automatique a donc dû être emballée de façon à résister à une traversée sur des surfaces enneigées très accidentées. Des années d’expérience du conditionnement en Antarctique nous ont permis de transporter notre station météorologique automatique en toute sécurité sur des traîneaux tirés par des motoneiges», a-t-il déclaré.
Pour de plus amples renseignements sur cette évaluation, consultez la version en ligne du Quarterly Journal of the Royal Meteorological Society.
Le comité international d’évaluation de l’OMM se composait de spécialistes des sciences polaires et du climat du Danemark, de l’Espagne, des États-Unis d’Amérique et du Royaume-Uni, à savoir:
Jason E. Box [Service géologique du Danemark et du Groenland (GEUS), Copenhague (Danemark)]
Manola Brunet [Centre du changement climatique (C3), Département de géographie, Université Rovira i Virgili, Tarragone (Espagne) et Section de recherche sur le climat, Faculté des sciences environnementales, Université d’East Anglia (Royaume-Uni); Présidente de la Commission de climatologie de l’OMM]
John Cappelen [Institut météorologique danois (DMI), Copenhague (Danemark)]
Steve Colwell [British Antarctic Survey (Royaume-Uni)]
Phil Jones [Section de recherche sur le climat, Faculté des sciences environnementales, Université d’East Anglia (Royaume-Uni)]
John King [British Antarctic Survey (Royaume-Uni)]
Matthew Lazzara [Madison Area Technical College et Université du Wisconsin à Madison, Madison, Wisconsin (États-Unis)]
George Weidner [ Département des sciences de l’atmosphère et des océans, Université du Wisconsin à Madison, Wisconsin (États-Unis)]
Randy Cerveny [Rapporteur pour les extrêmes météorologiques et climatiques, Université d’État de l’Arizona, Tempe, Arizona (États-Unis)]
Pour de plus amples renseignements, veuillez prendre contact avec Clare Nullis, attachée de presse (courriel: cnullis@wmo.int; tél. port.: +41 (0)79 709 13 97).