Météorologie et transports maritimes

par Peter Dexter1 et Phillip Parker2
Les débuts
Selon la Genèse, le troisième jour de la création donna lieu à la séparation des terres émergées et des mers. Cela eut sans conteste pour effet d’offrir à l’homme en instance de création un moyen de transport à longue distance et de jeter incidemment les bases d’une nouvelle science et d’un nouveau champ d’activité professionnelle, à savoir la météorologie maritime. Depuis lors, l’humanité a éprouvé une fascination mêlée de crainte à l’égard de la puissance colossale de l’air et des mers, tout en s’efforçant de comprendre les processus observés et d’en tirer parti. Les premiers marins ne disposaient toutefois que d’un savoir empirique élémentaire et restaient à la merci des vents, des vagues, des courants et de tout ce qui pouvait les dérouter:
«Alors Jupiter, le dieu qui commande aux nuages, nous envoie le Borée accompagné d’une affreuse tempête, et il cache sous d’épaisses nuées la terre et les ondes: tout à coup une nuit affreuse tombe du ciel. Nos vaisseaux sont emportés à travers les mers, et les voiles sont déchirées en lambeaux par la violence des vents. Nous, craignant de périr, nous plions les voiles, et nous dirigeons aussitôt nos vaisseaux vers le continent.»[1]
Homère attribuait essentiellement les problèmes maritimes de l’Odyssée aux machinations de Poséidon, une explication qui en valait une autre à l’époque (figure 1).
![]() |
|
Figure 1 — Poséidon en faisait voir de toutes les couleurs à Ulysse. | |
Shelley Panton | |
![]() |
|
Figure 2 — Navigateurs inspirés par la foi. |
C’est peut-être Aristote, dans ses «Météorologiques» [2], qui, le premier, essaya sérieusement de donner une explication scientifique et logique de l’atmosphère, de l’océan et des divers phénomènes qu’ils engendrent. Malheureusement, si l’ouvrage est remarquable de lucidité et d’intelligence, le météorologiste maritime n’y trouve cependant guère d’indications sur les méthodes de prévision. Et tout aussi malheureusement, la compréhension scientifique de notre environnement naturel stagna ou régressa ensuite pendant des siècles, de sorte qu’on accorda davantage de crédit aux mythes qu’aux preuves scientifiques et aux raisonnements logiques (figure 2).
Heureusement, les marins doivent faire preuve de beaucoup de pragmatisme pour survivre et prospérer. En se lançant dans des expéditions commerciales ou des missions d’exploration sur des étendues marines de plus en plus vastes et vers des terres de plus en plus lointaines, Ils ont accumulé une somme extraordinaire de connaissances empiriques sur le milieu atmosphérique et océanique où ils évoluaient et s’activaient. Ces connaissances ont finalement formé une base solide pour les progrès de la science et le développement des capacités prédictives. Au nombre des exemples notables d’application de ce savoir collectif à l’élaboration d’aides à la navigation figurent la carte du Gulf Stream établie par Benjamin Franklin (figure 3) et l’échelle de la force du vent établie par Sir Francis Beaufort en 1805 (figure 4). Des variantes de cette échelle de Beaufort sont encore en usage de nos jours.
À partir du milieu du XVIIe siècle, l’invention et le perfectionnement graduel d’instruments scientifiques permettant de mesurer les variables atmosphériques et océaniques et la mise en place conjointe, notamment en Europe, d’un réseau de stations météorologiques ont conduit à l’élaboration progressive de l’assise scientifique de la météorologie et à son application au profit des milieux maritimes. Ce n’est pourtant qu’à partir du milieu du XIXe siècle, avec la première utilisation en 1849 du télégraphe électrique inventé depuis peu pour transmettre des observations météorologiques en Grande-Bretagne et aux États-Unis et l’organisation de la Conférence maritime de Bruxelles en 1853, qu’on assista à un développement vraiment rapide.
![]() |
![]() |
|
Figure 3 — Carte du Gulf Stream établie par Benjamin Franklin | Figure 4 — Exemplaire original du livre de bord et de l’échelle de Beaufort. |
Bruxelles 1853: création des Services météorologiques nationaux, de l’OMI et de la météorologie maritime
Les événements qui précédèrent, accompagnèrent ou suivirent la Conférence maritime de Bruxelles de 1853 ont été fort bien décrits dans d’autres publications, et notamment dans les articles du Bulletin de l’OMM rédigés par Michel Hontarrède [3] et Bob Shearman [4] ainsi que dans le compte rendu du séminaire international organisé pour célébrer le cent-cinquantième anniversaire de la conférence [5]. Les paragraphes ci-après ne constituent donc qu’un bref résumé.
Matthew Fontaine Maury, lieutenant de la marine des États-Unis qui était déjà bien connu et respecté pour ses travaux sur les vents et les courants marins, fut le véritable initiateur de la conférence de Bruxelles. Même si les scientifiques européens procédaient déjà à des échanges d’informations depuis un certain temps, cette conférence fut la première réunion véritablement internationale convoquée en vue de promouvoir la coopération et la normalisation dans le domaine de la météorologie. Y assistèrent une douzaine d’experts de 10 pays européens et des États-Unis, qui convinrent en particulier d’un format type pour les livres de bord ainsi que d’une série d’instructions normalisées pour l’exécution et l’enregistrement des observations météorologiques et océanographiques. La coopération internationale qui a été instaurée par la conférence de Bruxelles a directement abouti à l’organisation du premier Congrès météorologique international à Vienne en 1873 et, finalement, à la création en 1905 de l’Organisation météorologique internationale (OMI), la devancière (non gouvernementale) de l’OMM.
Parallèlement à ces développements internationaux, la plupart des grandes puissances de l’époque s’employèrent à établir leurs propres services météorologiques nationaux pendant les années 1850 à 1870. Comme souvent dans les premiers temps de la météorologie, cette évolution a été stimulée par les besoins des milieux maritimes et, dans le cas de la France, particulièrement par deux grandes catastrophes maritimes: la perte en novembre 1854 de 38 navires français (figure 5), anglais et turcs engagés dans la guerre de Crimée [5] et, en février 1855, le naufrage d’un navire de guerre français entre la Corse et la Sardaigne, qui fit de nombreuses victimes. Le Verrier, qui était chargé de mettre sur pied le service météorologique français, fut le premier à utiliser le nouveau télégraphe électrique comme élément essentiel d’un réseau national d’observation météorologique. Tous les nouveaux services météorologiques ont effectué des observations et tenté, avec plus ou moins de succès, de prévoir le temps.
![]() |
Figure 5 — Naufrage du Henri IV pendant le siège de Sébastopol en novembre 1854 ([3] et Musée de la Marine, Paris). |
Un événement lourd de conséquences pour la météorologie maritime fut l’invention de la télégraphie sans fil à l’aube du XXe siècle, qui permit de communiquer avec les bateaux en mer. En 1905, le radiotélégraphe servit d’abord à transmettre les bulletins météorologiques des navires en mer aux stations radiocôtières. Peu après, en 1907, l’Organisation météorologique internationale intervint pour obliger tous les navires à s’équiper de matériel radiotélégraphique et à transmettre des observations aux stations côtières et constitua une nouvelle Commission technique pour la météorologie maritime. Ainsi s’ouvrit l’ère moderne de la collaboration des services météorologiques avec et à l’appui des milieux maritimes.
Sauvegarde des personnes en mer
Si le passage de la voile à la vapeur bouleversa totalement la nature des transports maritimes pendant la seconde moitié du XIXe siècle, il ne faut pas en déduire que la navigation et les milieux maritimes en général devinrent immédiatement moins vulnérables aux conditions météorologiques extrêmes et aux phénomènes océaniques connexes (figure 6). Quoique évitable, le naufrage du Titanic en 1911, qui causa la mort de quelque 1 500 personnes, eut deux conséquences majeures pour la sécurité maritime: la création de la Patrouille internationale des glaces dans l’Atlantique Nord et l’adoption en 1914 de la première Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), qui englobait un large éventail de mesures destinées à renforcer la sécurité de la navigation maritime, dont diverses mesures ayant trait à la météorologie. Cette convention prévoyait en particulier la radiodiffusion de prévisions météorologiques couvrant l’ensemble des routes maritimes et des zones de pêche. Cela suscita l’évolution d’un système international de collecte de données d’observations météorologiques en milieu océanique, l’analyse de ces données et l’élaboration et la diffusion ultérieures de bulletins météorologiques pour la navigation maritime. Au fil des années, l’Organisation météorologique internationale, puis l’Organisation météorologique mondiale ainsi que les organisations maritimes ont mis en place un système coordonné de services de prévision et d’alerte couvrant à la fois les eaux côtières et la haute mer.
![]() |
|
Figure 6 — Navigation par gros temps au XXe siècle. | |
Phil Smart, Bureau de météorologie, Hobart |
Quatre versions de la convention SOLAS ont été approuvées depuis 1914, la plus récente étant celle de 1974, qui est entrée en vigueur en 1980. Depuis lors, la convention a été complétée, révisée et actualisée par le biais de l’adjonction d’un protocole en 1978 et d’une série d’amendements, tous élaborés, examinés et adoptés par l’Organisation maritime internationale (OMI). Depuis la création de l’OMM en tant qu’organisation intergouvernementale en 1950, sa Commission de météorologie maritime (CMM) (devenue dans l’intervalle la Commission technique mixte OMM/COI d’océanographie et de météorologie maritime (CMOM)) a collaboré activement avec l’OMI (et sa devancière l’Organisation intergouvernementale consultative de la navigation maritime), afin que les éléments de la convention SOLAS relatifs aux observations météorologiques et à la prestation de services météorologiques soient conformes aux dernières avancées scientifiques et techniques dans les domaines de la météorologie et des communications et, en même temps, qu’ils répondent aux besoins et aux préoccupations des milieux maritimes en matière de sécurité. La convention SOLAS comprend désormais [6] un certain nombre de dispositions réglementaires essentielles concernant les services météorologiques, qui imposent certaines obligations aux gouvernements contractants, consistant en particulier à:
- ... Avertir les navires des coups de vent, tempêtes et tempêtes tropicales …
- ... Transmettre deux fois par jour, par radio, des bulletins météorologiques à l’usage de la navigation …
- ... Prendre des mesures pour que les navires sélectionnés soient pourvus d’instruments contrôlés … et effectuent des observations météorologiques …
- ... Assurer la réception et la transmission … des messages météorologiques en provenance et à destination des navires …
- … Se conformer au Règlement technique et aux Recommandations de l’Organisation météorologique mondiale …
Ces dispositions réglementaires sont l’illustration concrète de l’interdépendance constante des milieux météorologiques et maritimes ainsi que de la volonté affichée des Services météorologiques nationaux des pays à façade maritime de contribuer autant que faire se peut à la sauvegarde des personnes et des biens en mer.
Système mondial de détresse et de sécurité en mer et services de météorologie maritime modernesLe Système international de satellites maritimes (INMARSAT) mis en place en 1982 par l’OMI a ouvert un nouveau chapitre des télécommunications maritimes, fondé sur la révolution en cours à l’échelle du globe dans le domaine des télécommunications. Cette initiative a ensuite débouché sur la mise au point par l’OMI d’un tout nouveau système de sécurité maritime, qui a été inclus dans la convention SOLAS en tant qu’amendements de 1988 concernant le Système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM), lesquels sont entrés en vigueur en 1992 dans la perspective d’une pleine application d’ici au 1er février 1999. L’adoption internationale du SMDSM a permis d’actualiser les communications maritimes en tenant compte des progrès de la technologie satellitaire et des autres techniques de communication et s’est traduite par la disparition rapide des officiers radio spécialistes des transmissions en code Morse à bord des navires.
Après le lancement du premier satellite INMARSAT, la mise au point du SMDSM par l’OMI et l’anticipation de la disparition éventuelle des stations radio côtières HF, l’OMM et les Services météorologiques nationaux assurant des services de sécurité maritime se sont rapidement rendus compte qu’il leur faudrait s’adapter aux nouvelles dispositions réglementaires et aux nouveaux moyens de communication et en tirer profit.
Dans les années 80, l’OMM, par l’intermédiaire de sa Commission de météorologie maritime et en concertation étroite avec l’OMI, l’Organisation hydrographique internationale (l’OHI, chargée du Service mondial d’avertissements de navigation) et les représentants des milieux de la navigation internationale par le biais de la Chambre internationale de la marine marchande, a mis au point un nouveau système de diffusion de renseignements météorologiques destiné à la navigation maritime pour les besoins du SMDSM. Ce système, adopté à titre provisoire en 1989 et sous sa forme définitive en 1993, fait désormais partie intégrante du Règlement technique de l’OMM [7].
Pour les besoins de ce système de diffusion, les océans de la planète sont divisés en un réseau de zones METAREA (figure 7; identiques aux zones NAVAREA de l’OHI), pour chacune desquelles un Service météorologique national particulier est tenu d’assurer la diffusion, via INMARSAT, d’alertes et de prévisions météorologiques pour la navigation, selon un horaire prédéterminé. En 2003, un nouveau site Web a été mis en service par Météo-France, qui affiche en temps réel les prévisions et les messages d’alerte pour l’ensemble des 16 zones METAREA originales [8]. Dernièrement, l’OMI et l’OMM sont convenues de créer cinq nouvelles zones METAREA couvrant les eaux de l’Arctique, compte tenu de l’importance croissante de ces eaux aux fins de transports maritimes.
![]() |
Figure 7 — Zones METAREA pour le Système mondial de détresse et de sécurité en mer.
|
La diffusion de messages d’alerte et de prévisions pour la navigation fait désor.mais partie intégrante du SMDSM, et les communications propres à ce système permettent la réception automatique à bord des navires des informations météorologiques et de navigation par transmission via INMARSAT, par radiotéléphonie ou par radiotélex (NAVTEX). Les prévisions relatives aux conditions météorologiques, à l’état de la mer et aux glaces diffusées à intervalles réguliers de même que les avis de cyclones tropicaux, de coups de vent, de tempêtes ou d’autres phénomènes dangereux sont désormais transmis aux navires en mer via INMARSAT et NAVTEX.
Actuellement, les messages d’alerte et les prévisions météorologiques communiqués aux officiers de bord se présentent en format texte sur écran ou sur papier. Toutefois, le perfectionnement du système de visualisation de cartes électroniques, initialement mis au point sous la supervision de l’OHI afin d’afficher les dangers pour la navigation à bord des navires sous forme de cartes électroniques, permettra de visualiser également les informations éphémères (alertes météorologiques, informations sur les glaces de mer, etc.) sous cette forme. Cette approche facilitera aussi le remplacement de la transmission de cartes météorologiques classiques par radiotélécopie haute fréquence—très appréciée des marins mais en voie d’abandon par souci d’économie—par de nouvelles formes numériques et graphiques de diffusion et d’affichage.
Les nouveaux systèmes de communications maritimes constituent aussi un moyen particulièrement efficace, précis et fiable de recueillir les messages météorologiques et océanographiques transmis en temps réel par les navires en mer. Il ne faut en aucun cas oublier que ces messages restent indispensables pour l’analyse et la prévision météorologiques, pour la diffusion de prévisions météorologiques et de messages d’alerte fiables—considérée désormais comme banale et normale, tant par le public que par de nombreux utilisateurs spécialisés— et pour la prestation de services de sécurité maritime satisfaisants. De plus, ces données contribuent à renforcer substantiellement notre connaissance et notre compréhension du climat mondial, de sa variabilité et de son évolution.
Autres services nationauxOfficiellement, bien que le SMDSM indique l’équipement exigé à bord en matière de communications pour toutes les zones maritimes (VHF à proximité des côtes, NAVTEX essentiellement pour les zones économiques exclusives (jusqu’à 200 miles marins) et INMARSAT pour la haute mer), ces prescriptions ne constituent une obligation que pour les navires de plus de 300 tonnes enregistrés dans des pays signataires de la convention SOLAS.
Il y a inévitablement quelques lacunes. Pour de nombreux pays, assurer une couverture côtière complète au moyen d’installations VHF et NAVTEX est simplement trop coûteux, et il faut donc mettre en place d’autres installations pour atteindre les navires circulant dans ces zones. Un vaste éventail de bateaux plus ou moins en état de naviguer (et leurs équipages !) ne sont d’aucune façon soumis aux dispositions réglementaires du SMDSM. Cela va des barques de pêche locales aux ferrys côtiers et aux petits cargos en passant par les yachts de croisière et les bateaux de pêche en haute mer (figure 6). Cependant, tous ces bateaux représentent la part la plus importante des utilisateurs de services de météorologie maritime de toutes sortes. Souvent, les bateaux les plus petits et ceux qui évoluent en zone côtière sont les plus sensibles au temps qu’il fait et, par conséquent, les plus vulnérables au changement ou à la dégradation rapide des conditions météorologiques et de l’état de la mer. En zone côtière, ces conditions sont souvent très changeantes, en raison des interactions complexes des terres émergées proches et des systèmes océanique et atmosphérique. De ce fait, les marins naviguant en zone côtière ont besoin d’informations particulièrement détaillées sur les conditions qu’ils devraient rencontrer. Or, dans de nombreuses régions du globe, les utilisateurs qui se trouvent à bord des plus petits bateaux n’ont pas facilement accès aux technologies de la communication employées par les utilisateurs mieux équipés et mieux dotés en ressources qui naviguent en haute mer.
Les Services météorologiques nationaux fournissent toute une série de services de prévision et d’information destinés aux utilisateurs maritimes fort divers qui évoluent en zone côtière, en tenant compte des besoins précis de ce secteur. La radio est toujours un outil essentiel pour la diffusion des prévisions et des bulletins d’information en zone côtière, même si les utilisateurs vraiment proches des côtes tirent aussi parti des nouvelles technologies de téléphonie mobile pour accéder à un certain nombre de services météorologiques par réseau commuté. La radiodiffusion VHF d’informations météorologiques est assurée dans de nombreuses zones côtières de la planète et constitue un élément indispensable de la sécurité maritime pour la pêche, le transport de passagers, la navigation de plaisance et le cabotage. Les prévisions et les informations connexes fournies pour les zones côtières tiennent compte des caractéristiques du temps et des océans propres à chaque région. Par exemple, le brouillard marin et la visibilité réduite qui en découle représentent un danger considérable pour la navigation dans certaines zones côtières, mais sont plutôt rares dans d’autres régions. Les effets se manifestant sous le vent et l’effet d’entonnoir peuvent être courants dans les régions où les chaînes de montagnes sont parallèles au littoral. La complexité géographique des zones côtières, et notamment du littoral et des éventuels groupements d’îles, complique encore la description des conditions météorologiques et la quantité de détails requis pour que les marins puissent en faire usage.
![]() |
|
Figure 8 — Les bateaux de pêche et les autres petits bâtiments naviguant près des côtes sont particulièrement sensibles aux conditions météorologiques. | |
FreeFoto.com |
Comme nous l’avons vu, les services NAVTEX fournis dans le cadre du SMDSM sont destinés aux utilisateurs évoluant en zone côtière et jusqu’à 200milles marins environ. Toutefois, il est peu probable que tous les littoraux du globe puissent bénéficier de ces services. Pour combler les lacunes des systèmes NAVTEX et VHF dans certains pays (dont l’Australie), des prévisions côtières sont aussi radiodiffusées dans le cadre du service SMDSM via INMARSAT.
Et après?Le passage de la voile à la vapeur à la fin du XIXe siècle et la conviction selon laquelle la sécurité des transports maritimes pourrait donc progressivement devenir moins dépendante des informations météorologiques, conjugués à l’essor de l’aviation comme principal client des services météorologiques dans la première moitié du XXe siècle, ont conduit à un certain relâchement des liens unissant traditionnellement la météorologie et les marins.
Ces dernières années cependant, on a pu observer une inversion de cette tendance, due à un certain nombre de facteurs: la constatation qu’une large majorité des incidents de sécurité maritime (jusqu’à 70 %) sont toujours dus aux conditions météorologiques (figure 9); les nouvelles technologies de communication décrites précédemment, qui permettent de transmettre de façon fiable un nombre accru d’informations destinées à assurer la sécurité maritime aux navires en mer; le développement d’une navigation beaucoup plus spécialisée, nécessitant un équilibre entre la sécurité, la réduction au minimum des possibilités d’endommagement de la cargaison, la réduction de la durée des traversées et des coûts de carburant et la gestion du trafic dans des ports et des voies maritimes de plus en plus encombrés; et l’ouverture de nouvelles routes maritimes, spécialement dans les eaux polaires. Tous ces facteurs contribuent à une nouvelle reconnaissance de l’importance—et au besoin—de la diffusion d’informations météorologiques et océanographiques de haute qualité à l’intention des navires en mer.
![]() |
Figure 9 — Même les plus gros bâtiments restent de nos jours vulnérables aux phénomènes météorologiques et océaniques extrêmes. |
John Sayers, Australian Antarctic Division © Commonwealth of Australia |
Un autre facteur entre désormais en jeu. L’homme reste fasciné par l’époque de la voile, et la navigation de plaisance en haute mer sur de grands voiliers modernes jouit d’une popularité grandissante (figure 10). Pour ce type de navigation, la priorité consiste à assurer une sécurité maximale aux passagers tout en leur proposant une expérience authentique de navigation à la voile, ce qui nécessite des informations fiables et transmises en temps voulu sur l’évolution future des conditions de vent et de l’état de la mer. Parallèlement, le coût actuel du carburant utilisé pour les transports maritimes, les graves préoccupations concernant les émissions de carbone dues aux combustibles fossiles et la raréfaction anticipée de ces mêmes combustibles au cours des prochaines décennies ont conduit les ingénieurs navals et les concepteurs de bateaux à chercher une fois de plus à tirer parti du vent pour faire avancer les grands navires. Bien que plusieurs approches différentes soient prises en considération ici, toutes sont plus ou moins fondées sur la propulsion éolienne. Avec de tels bâtiments, il s’agira avant tout de tirer au mieux parti du vent, tout en choisissant l’itinéraire le plus efficace sur le plan des coûts et en assurant une fois encore la sécurité en mer.
![]() |
Figure 10 — Les voiliers modernes constituent un moyen nostalgique, passionnant et agréable de partir en croisière sur l’océan. | |
Star Clippers – Australie et Nouvelle-Zélande |
Le regain d’intérêt pour la voile, conjugué à tous les autres développements observés dans le domaine des transports maritimes, indique la résurgence de la longue relation symbiotique entre la météorologie et les marins: la météorologie continue en effet de dépendre de façon cruciale des observations effectuées par les marins en mer, alors que la sécurité et l’efficacité de la navigation à l’échelle du globe ne sont pas moins tributaires de la diffusion en temps opportun d’informations météorologiques et océanographiques fiables qu’il y a un peu plus de 150 ans, à l’époque de Maury et des premiers services météorologiques destinés aux marins.
Remerciements
Nous sommes redevables à Michel Hontarrède et Bob Shearman de certains des articles qu’ils ont publiés dans le Bulletin de l’OMM ainsi qu’à tous les intervenants du Séminaire international de commémoration de la Conférence maritime de Bruxelles de 1853 (Residence Palace, Bruxelles, 17 et 18 novembre 2003).
Bibliographie
[1] Homère, env. 800 av. J.-C.: L’Odyssée, livre IX, tr. Eugène Bareste.
[2] Aristotle, env. 350 av. J.-C.: Météorologiques, tr. E.W. Webster
[3] Hontarrède, M., 1998: La météorologie et le monde maritime: 150 ans de coopération efficace. Bulletin de l’OMM 47(1).
[4] Shearman, R., 2003: The growth of marine meteorology—a major support programme for the World Weather Watch (Le développement de la météorologie maritime: un grand programme d’appui à la Veille météorologique mondiale). Bulletin de l’OMM 52(1).
[5] OMM, 2004: Proceedings of the International Seminar to Celebrate the Brussels Maritime Conference of 1853. Bruxelles, Belgique, novembre 2003, WMO/TD-No. 1226.
[6] OMI, 2001: édition récapitulative de la Convention SOLAS de 1974 et des protocoles et amendements ultérieurs. Publication IMO-111F.
[7] OMM, 2005: Manuel de l’assistance météorologique aux activités maritimes (Annexes VI du Règlement technique de l’OMM), OMM-N° 551.
[8] Savina, H., 2004: Un site Internet pour la sécurité en mer: http://weather.gmdss.org. Bulletin de l’OMM 53(2), 140-141.
1
Section des services océanographiques, Bureau météorologique australien, Melbourne; coprésident de la CMOM
2
Section des services océanographiques, Bureau météorologique australien, Melbourne; membre du Groupe de coordination pour le domaine d’activité de la CMOM relatif aux services