Mesures en faveur des services météorologiques dans les petits États insulaires en développement

04 décembre 2015
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  • le Secrétariat de l’OMM (Tamara Avellan, Cadre mondial pour les services climatologiques, et Sylvie Castonguay, Bureau de la communication et des relations publiques)

Les petits États insulaires en développement (PEID) des Caraïbes, du Pacifique et de l’océan Indien souffrent d’une vulnérabilité extrême à l’égard des aléas hydrométéorologiques. Au cours des prochaines années, le changement climatique devrait accroître la fréquence et l’intensité des phénomènes dangereux et, dans le même temps, accentuer la vulnérabilité des îles en détériorant les écosystèmes et en détruisant les moyens de subsistance. Soucieux d’accroître la résilience aux événements extrêmes et aux effets néfastes du changement climatique, le Congrès météorologique mondial a approuvé, au mois de juin, la création d’un programme destiné à soutenir et à renforcer les services climatologiques et météorologiques dans les petits États insulaires en développement et les territoires insulaires Membres de l’OMM.

Des îles fragiles menacées

La plupart des PEID se trouvent dans les zones tropicales, où sévissent les cyclones, les orages, les éclairs, les ondes de tempête, les crues fluviales, côtières et soudaines, la sécheresse, les vents violents, les vagues de chaleur, les tempêtes de poussière ou la brume sèche. Ces conditions hydrométéorologiques ont de terribles conséquences dans les PEID vulnérables et exposés: perte de vies humaines, destruction de l’infrastructure et des moyens de subsistance, érosion côtière, glissements de terrain, coulées de boues, épidémies, propagation de substances toxiques et, parfois, de matières volcaniques. Elles ont entravé le développement socio-économique d’îles fragiles, qui disposent de peu de possibilités au départ – essor du tourisme, dans bien des cas – et sont sensibles aux fluctuations brusques des prix internationaux. Les principaux moyens de subsistance sont les marchés locaux, l’agriculture de subsistance, la pêche et les ressources naturelles.

La science du climat prévoit pour les prochaines décennies une hausse de la fréquence et de l’intensité des catastrophes naturelles sous l’effet du changement climatique induit par les activités humaines. Le cinquième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat indique que, d’ici à la fin du siècle, la température dans les zones tropicales pourrait augmenter de 1,4 à 4,4 °C par rapport à la période 1986–2005, selon le scénario d’atténuation retenu. Le niveau de la mer dans les Caraïbes et le Pacifique pourrait s’élever de 0,5 à 0,9 mètre, menaçant les îles de faible altitude, et l’acidité de l’océan pourrait croître de 0,07 à 0,32 unité pH, menaçant la pêche et les moyens de subsistance. Les répercussions seraient catastrophiques dans de nombreux PEID.

L’union fait la force

Les Services météorologiques des PEID bénéficient d’un personnel formé et compétent. Ils peuvent aussi s’épauler au besoin. Ainsi, en 2014, le Service météorologique des Tonga manquait d’observations pour suivre l’approche du cyclone Evan; il a appelé les Services d’autres îles qui lui ont transmis des estimations de la vitesse des vents et toutes les données voulues. Les PEID des Caraïbes, du Pacifique et de l’océan Indien ont créé des partenariats afin de détenir une masse critique de capacités opérationnelles, dont: 

Vu la taille des États insulaires et les épreuves à venir, il faudra investir davantage dans les réseaux d’observation, les systèmes de communication et la prestation de services pour mieux faire face aux extrêmes météorologiques et climatiques. L’équipement et le personnel requis pour procurer des services de qualité sont coûteux. Les pouvoirs publics doivent savoir qu’il est très rentable d’investir dans les services météorologiques et climatologiques, sur le plan des vies humaines préservées, des biens protégés et des gains économiques réalisés. Une meilleure appréciation de l’apport de ces services au développement durable en général aidera aussi à prendre de bonnes décisions. Les gouvernements des PEID devront établir des partenariats avec les donateurs afin de garantir la pérennité des investissements réalisés. Il importe également que les Services météorologiques aient plus facilement accès aux informations émanant des grands centres mondiaux.

L’Organisation joue un rôle important dans tous ces domaines. Son nouveau Programme destiné aux petits États insulaires en développement et aux territoires insulaires Membres de l’OMM consolidera ces activités.

La majorité des petits États insulaires en développement se trouvent entre les tropiques du Cancer et du Capricorne. Ils sont exposés à des phénomènes météorologiques violents, tels les cyclones et les ouragans, les ondes de tempête et les inondations côtières 

L’action de l’OMM dans les PEID

L’Organisation conduit diverses activités qui visent à préserver ou remettre en état les stations d’observation météorologique et climatologique, à offrir au personnel local une formation sur l’entretien, l’étalonnage et la réparation du matériel et à élargir les capacités des Services météorologiques nationaux en matière de transmission, d’analyse et d’archivage des données sur les conditions présentes. Les PEID ont bénéficié de plusieurs projets de l’OMM, dont la reconstruction complète du Service météorologique en Haïti, le renforcement des moyens de l’Institut de météorologie et d’hydrologie des Caraïbes, instance régionale sise à la Barbade, et le travail communautaire sur les alertes précoces au sein du projet Finlande-Pacifique.

Le Programme concernant les cyclones tropicaux (PCT) est très nettement axé sur les PEID de l’océan Indien, du Pacifique et des Caraïbes. Il coordonne le fonctionnement des systèmes nationaux et régionaux qu’il a aidé à mettre en place en vue de limiter les pertes humaines et les dommages matériels causés par les cyclones tropicaux.

Le PCT bénéficie de l’apport du Projet de démonstration concernant la prévision des conditions météorologiques extrêmes. Ce projet renforce, au sein des Services météorologiques des pays en développement et des pays les moins avancés, dont les PEID, la capacité de fournir de meilleures prévisions et alertes de temps violent afin de préserver les vies, les biens et les moyens de subsistance. Les pays qui y participent profitent des progrès scientifiques accomplis, en particulier des grandes avancées de la prévision numérique du temps et de la prévision d’ensemble qui donnent aux prévisionnistes des indications sur les conditions potentiellement dangereuses à venir. Le projet a allongé le délai d’anticipation des phénomènes à fort impact (précipitations abondantes, vents violents, forte houle, etc.) et a accru la fiabilité des alertes précoces. Il a favorisé le dialogue entre les Services météorologiques et les organismes de gestion des catastrophes et de protection civile, les populations locales et les médias. Enfin, ses travaux contribuent de manière appréciable à la réduction des risques de catastrophe et bénéficient à plusieurs secteurs socio-économiques, dont l’agriculture, la pêche, l’aviation et la navigation.

La coopération et les réseaux régionaux

Les PEID bénéficient également du soutien des Centres climatologiques régionaux (CCR) de l’OMM et des forums régionaux sur l’évolution probable du climat (FREPC). Depuis 1997, les FREPC élaborent des prévisions saisonnières du climat régional à l’intention des utilisateurs et des décideurs. Au fil des ans, ils ont rassemblé les climatologues et les utilisateurs de divers secteurs économiques, tels l’agriculture, l’énergie, la gestion des ressources en eau, la santé, la gestion des risques de catastrophe, le tourisme, la protection de la faune et de la flore, les ressources maritimes et bien d’autres. Des forums virtuels sont aussi organisés afin de faciliter la production des perspectives saisonnières. Les FREPC ont énormément aidé à améliorer la qualité des prévisions des précipitations et à diffuser des produits d’information et de prévision climatique à l’appui des alertes précoces et d’autres applications dans une variété de secteurs. Ils ont prouvé hors de tout doute que les stratégies préventives d’atténuation des catastrophes, basées sur une utilisation optimale de l’information et des produits climatologiques, pouvaient contribuer de manière décisive au développement durable dans différentes régions.

Au fur et à mesure de leur expansion, les CCR intégreront dans leurs activités courantes l’organisation de FREPC en association avec les Services météorologiques et hydrologiques nationaux. L’Institut de météorologie et d’hydrologie des Caraïbes a déjà fait officiellement des FREPC l’une de ses principales activités; il diffuse chaque mois des perspectives sur Internet et organise chaque année une ou deux réunions des Services météorologiques et hydrologiques nationaux de la région. Ces FREPC sont souvent précédés de formations sur des sujets climatologiques précis ou deviennent en eux-mêmes des occasions d’apprentissage.

Un programme voué aux PEID

Le nouveau programme de l’OMM misera sur le partenariat avec d’autres organisations qui soutiennent les PEID. Il veillera à coordonner les travaux du Programme concernant les cyclones tropicaux et du Projet de démonstration concernant la prévision des conditions météorologiques extrêmes. Il favorisera la concertation et la création de réseaux régionaux par l’entremise des CCR, afin d’étendre le financement des FREPC et d’élargir l’accès aux services climatologiques. Les PEID sont menacés par les effets des activités humaines et tout retard pris dans l’atténuation des impacts du changement climatique coûtera cher en termes de vies humaines, de biens matériels et de moyens de subsistance. 

Les progrès de la prévision des cyclones tropicaux 

Les centres météorologiques régionaux spécialisés et les centres d’avis de cyclones tropicaux ont amélioré leur capacité de prévoir la trajectoire des cyclones tropicaux partout dans le monde. La majorité des prévisions à échéance de cinq jours établies aujourd’hui présentent à peu près la même exactitude que les prévisions à échéance de trois jours diffusées il y a une décennie seulement. La période de préparation à une éventuelle catastrophe s’en trouve donc allongée de deux jours environ. Aux États-Unis d’Amérique, le Centre national des ouragans s’apprête à produire des prévisions à échéance de sept jours, grâce aux indications plus précises de la trajectoire que donnent de multiples modèles déterministes. De plus, les systèmes de prévision d’ensemble à échéance prolongée (tels les systèmes à échéance de 15 jours du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme ou le système mondial à échéance de 16 jours des Centres nationaux de prévision environnementale) anticipent la formation et la trajectoire des phénomènes dangereux, si bien que les prévisionnistes ont une idée de l’événement qui pourrait survenir, avant même sa formation, et font davantage confiance aux produits des modèles.

La prévision des trajectoires dans la partie occidentale du Pacifique Nord devrait s’affiner lorsqu’il sera possible d’effectuer davantage de vols de reconnaissance que ne le permet actuellement l’aéronef DOTSTAR de la province chinoise de Taiwan. Les vecteurs de mouvement atmosphérique transmis par les satellites Himawari-8/9 de nouvelle génération, à partir d’observations effectuées toutes les 10 minutes, devraient améliorer la prévision des trajectoires dans l’ouest du Pacifique Nord, où la fréquence actuelle d’observation est de 30 minutes, et encore plus dans l’ouest du Pacifique Sud, où elle est d’une heure. De même, les vecteurs de mouvement atmosphérique que fourniront les futurs satellites GOES-R amélioreront la prévision dans l’Atlantique et dans la partie orientale du Pacifique Nord et Sud.

L’incertitude attachée aux prévisions de la trajectoire des cyclones tropicaux est aujourd’hui indiquée dans plusieurs bassins; toutefois, la méthode utilisée pour cela, à savoir le calcul de la moyenne des erreurs des cinq années passées, présente des limites. Les prévisionnistes recevraient des indications plus exactes si l’on employait des méthodes d’évaluation de l’incertitude qui tiennent compte de la situation présente et reposent sur la dispersion des prévisions de trajectoire consensuelles ou sur les prévisions de trajectoires issues de modèles d’ensemble étalonnés. Quoi qu’il en soit, de nouvelles études devraient déterminer comment communiquer au mieux le danger à la population, laquelle pourrait ne pas saisir la menace à partir d’un cône d’incertitude.

La recherche et la mise au point de produits de base sur tous les aspects des cyclones tropicaux, en particulier les éléments qui précèdent et qui suivent l’arrivée sur les côtes, et la spécification de l’incertitude revêtent une importance cruciale pour apprécier avec justesse l’ampleur d’un danger. Les responsables de l’exploitation devraient collaborer avec les experts des sciences sociales afin d’élaborer des outils et d’offrir des formations qui aident à communiquer efficacement aux utilisateurs finals les risques et l’incertitude qui sont associés aux alertes.

Contribution de Russell L. Elsberry, Munehiko Yamaguchi, Grant Elliott et Hsiao-Chung Tsai 

Étude de cas: Amélioration de la productivité agricole aux Tonga

Le Centre climatologique relevant de l’APEC (APCC) est en train de mettre au point un système de prévision qui tient compte des particularités géographiques des îles du Pacifique. Ce système viendra soutenir les principales activités du Centre dans la région: adaptation de l’agriculture au changement climatique, gestion de l’eau, santé, notamment. Un projet conjoint CMSC/APCC aux Tonga montre que la productivité agricole peut bénéficier des données climatologiques et de meilleurs services agrométéorologiques. 

Lancé en 2014, le projet comporte quatre volets: évaluation des besoins et des capacités des utilisateurs, création d’une base de données sur l’agriculture, étude des liens fondamentaux entre l’agriculture et le climat au moyen de modèles et d’essais sur le terrain, élaboration et prestation de services agrométéorologiques. Parmi les résultats escomptés figurent la diffusion d’alertes de parasites et de maladies à échéance de 2 à 7 jours, la mise au point d’outils qui aideront les agriculteurs à choisir les dates de plantation et les variétés à cultiver, et la fourniture de services de conseils dérivés des prévisions saisonnières.

Le but est d’offrir des services d’information climatologique aux agriculteurs et aux exportateurs des Tonga au moment où ils en ont le plus besoin. La sécheresse survenue en 2014 a détruit 80 % de la récolte de citrouilles, grande culture d’exportation qui procure des recettes en devises. L’équipe chargée du projet espère que les agriculteurs et les exportateurs géreront mieux les futurs risques climatiques grâce à de bons outils et de bons services.

Les premières étapes du projet sont déjà achevées:

  • —Installation d’une station météorologique automatique au Centre de recherche du Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la foresterie et de la pêche, qui permet pour la première fois de recueillir des données agrométéorologiques aux Tonga;—
  • Mise au point d’un système de gestion de base de données agricoles qui rassemble et archive les données issues du projet;
  • Organisation de réunions de coordination afin que les objectifs du projet concilient les attentes des pouvoirs publics et les besoins des autres parties prenantes;
  • Conduite de recherches scientifiques rigoureuses, par la modélisation et la réalisation d’essais sur le terrain, dans le but de soutenir l’économie et d’accroître la sécurité alimentaire aux Tonga.

D’autres cultures de grande valeur destinées à l’exportation et plusieurs cultures vivrières destinées à la consommation locale devraient bénéficier bientôt de services de pointe à l’appui d’une agriculture adaptée au climat. En fonction des enseignements tirés du projet et d’autres recherches, divers outils seront mis au point afin que les résultats scientifiques se traduisent par des informations qui aident les agriculteurs et les exportateurs à prendre des décisions et, plus largement, qui soutiennent le Gouvernement des Tonga dans son action.

Le 22 juillet, l’APCC et le Gouvernement des Tonga ont signé un protocole d’accord visant à renforcer la coopération et à faciliter l’application concrète des résultats de la recherche. L’APCC pourra ainsi mettre à la disposition des pouvoirs publics son savoir et son expérience, ses techniques, ses biens et ses services en vue d’aider à faire face à l’évolution du climat. Pour sa part, le Gouvernement des Tonga transmettra des informations relatives au changement climatique et aidera l’APCC à utiliser les résultats des travaux entrepris dans le pays.

Contribution de Kwang-Hyung Kim, Centre climatologique relevant de l’APEC 

 The 2014 drought destroyed 80% of squash harvests in Tonga (Photo: Gary J. Wood/Flickr)La sécheresse de 2014 a détruit 80 % de la récolte de citrouilles aux Tonga

Tonga Climate Service for Agriculture ( Management ) Site Web des services météorologiques destinés à l’agriculture aux Tonga