Genève, le 2 novembre (OMM) – Depuis 30 ans, un réchauffement plus de deux fois supérieur à la moyenne planétaire se fait sentir en Europe, qui est le continent le plus touché. Selon un nouveau rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), la persistance du phénomène laisse présager chaleurs, feux de forêt, inondations et autres incidences à caractère exceptionnel qui toucheront la société, les économies et les écosystèmes.
Le rapport sur l’état du climat en Europe, élaboré conjointement par l’OMM et le Service Copernicus de surveillance du changement climatique (C3S), se concentre sur l’année 2021. Il fournit des informations sur la hausse des températures, les vagues de chaleur terrestre et marine, les conditions météorologiques extrêmes, la modification du régime des précipitations et le recul des glaces et des neiges.
Les températures, en Europe, ont subi une élévation considérable au cours de la période 1991‑2021, avec un réchauffement d’environ +0,5 °C par décennie. En conséquence, les glaciers alpins ont perdu 30 mètres d’épaisseur entre 1997 et 2021. De son côté, la calotte glaciaire du Groenland fond progressivement, contribuant à accélérer l’élévation du niveau de la mer. Au cours de l’été 2021, le Groenland a connu un épisode de fonte et, pour la première fois, des précipitations ont été enregistrées à son point le plus élevé, la station Summit.
À gauche: anomalie de la température moyenne annuelle pour chaque année durant la période 1900-2021 par rapport à la période de référence 1981-2010 en Europe (uniquement à la surface des terres). Crédit: Service météorologique du Royaume-Uni.
À droite: anomalie de la température moyenne annuelle (°C) de l’air en surface pour 2021 par rapport à la période de référence 1981-2010. Données: réanalyse ERA5. Crédit: Service Copernicus de surveillance du changement climatique/CEPMMT
En 2021, des phénomènes météorologiques et climatiques à fort impact ont provoqué des centaines de décès, touché directement plus d’un demi-million de personnes et causé des dommages économiques dépassant 50 milliards de dollars des États-Unis (dollars É.-U.). Dans environ 84 % des cas, il s’agissait d’inondations ou de tempêtes.
Toutes les nouvelles ne sont cependant pas mauvaises. Plusieurs pays européens parviennent très bien à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. En particulier, dans l’Union européenne (UE), ces émissions ont déjà diminué de 31 % entre 1990 et 2020, alors que l’objectif est une réduction nette de 55 % à l’horizon 2030.
L’Europe est également l’une des régions les plus avancées en matière de coopération transfrontière pour l’adaptation au changement climatique, en particulier dans les bassins fluviaux transnationaux. Elle est de plus l’une des figures de proue de la production de systèmes d’alerte précoce efficaces: environ 75 % de sa population est ainsi protégée. Enfin, ses plans d’action contre les canicules ont permis de sauver de nombreuses vies.
Mais les défis à relever restent de taille.
«L’Europe offre l’image vivante d’une planète qui se réchauffe. Elle nous rappelle que même les sociétés bien préparées ne sont pas à l’abri des conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes. Cette année, comme en 2021, de grandes parties du continent ont subi des vagues de chaleur et de sécheresse prolongées, favorisant les feux de forêt. En 2021, des inondations exceptionnelles ont semé la mort et la dévastation», a souligné Petteri Taalas, Secrétaire général de l’OMM.
«Pour ce qui est de l’atténuation du changement climatique, il faudra maintenir le bon rythme adopté pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans la région, et définir des objectifs plus ambitieux. L’Europe peut jouer un rôle décisif pour l’avènement d’une société neutre en carbone avant le milieu du siècle, pour respecter l’Accord de Paris», ajoute M. Taalas.
Le C3S, créé par le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT) pour le compte de la Commission européenne, fournit des données et des outils de surveillance du climat à la pointe de la technologie pour soutenir l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, de même que des initiatives telles que le pacte vert pour l’Europe.
«La société européenne est vulnérable à la variabilité du climat et au changement climatique, mais le continent est également aux avant-postes des activités internationales menées pour atténuer le changement climatique et élaborer des solutions novatrices pour s’adapter au nouveau climat qui attend l’Europe», fait valoir Carlo Buontempo, Directeur du C3S du CEPMMT.
«À mesure que le changement climatique, ses conséquences et les risques qu’il génère pèsent davantage sur notre quotidien, nous éprouvons un plus grand besoin, un plus grand désir d’en savoir plus sur le climat – et c’est tout à fait légitime. Ce rapport a pour but de répondre à cette soif de connaissances et de franchir le pas entre les données et leur analyse pour communiquer des informations validées par les scientifiques, mais à la portée du grand public, qui soient directement transposables pour la prise de décision dans tous les secteurs et dans toutes les professions», ajoute-t-il.
Le rapport sur l’état du climat en Europe s’appuie sur un document portant sur le même thème, publié en avril par le C3S, ainsi que sur des informations fournies par le réseau des centres climatologiques régionaux du Conseil régional VI de l’OMM. Il s’inscrit dans une série de rapports régionaux compilés par l’OMM afin de fournir aux décideurs des informations scientifiques localisées. Il a été présenté lors d’une conférence régionale réunissant les directeurs des services météorologiques et hydrologiques nationaux européens.
Ce rapport, qui s’accompagne d’une carte interactive riche en illustrations, comprend des contributions des services météorologiques et hydrologiques nationaux, de climatologues, d’organismes régionaux et d’organismes partenaires du système des Nations Unies. Il a été publié en amont des négociations annuelles des Nations Unies sur le changement climatique tenues à Charm el-Cheikh (Égypte) dans le cadre de la COP 27.
Catastrophes naturelles d’origine météorologique, hydrologique et climatique en Europe en 2021. Source des données: EM/DAT, consulté le 9 août 2022. Note: Les incidences de certaines catastrophes ne sont pas connues, certaines données n’étant pas disponibles.
Scénarios pour l’avenir
Selon les projections présentées dans le sixième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (AR6 du Groupe de travail I du GIEC), les catastrophes naturelles d’origine météorologique, hydrologique et climatique devraient augmenter à l’avenir. Il y est indiqué, avec «un degré de confiance élevé», que:
- Quelle que soit la progression du réchauffement climatique, dans toutes les régions de l’Europe, l’élévation des températures sera plus forte que la moyenne planétaire, comme on a pu l’observer jusqu’ici.
- La fréquence et l’intensité des chaleurs extrêmes (vagues de chaleur marine comprises) ont augmenté au cours des dernières décennies et, selon les projections, la tendance devrait se poursuivre quel que soit le scénario envisagé pour l’évolution des émissions de gaz à effet de serre. On prévoit un dépassement des seuils critiques établis pour les écosystèmes et pour les êtres humains en cas de réchauffement planétaire de 2 °C ou plus.
- Les observations font apparaître des variations saisonnières et régionales qui correspondent à l’augmentation des précipitations annoncées par les projections en hiver en Europe du Nord. Selon les projections, les précipitations devraient diminuer en été dans la région méditerranéenne et plus au nord. Si le réchauffement planétaire dépasse 1,5 °C, les précipitations extrêmes et les inondations pluviales devraient augmenter dans toutes les régions, à l’exception de la Méditerranée.
Incidences climatiques
Santé: Le changement climatique a d’innombrables incidences sur la santé de la population européenne. Il favorise notamment les décès et la maladie du fait de la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes (vagues de chaleur), l’augmentation des zoonoses et des maladies transmises par des aliments, l’eau ou des vecteurs, et les problèmes de santé mentale.
Les phénomènes climatiques extrêmes les plus meurtriers dans le continent sont les canicules, en particulier en Europe occidentale et méridionale. La conjonction du changement climatique, de l’urbanisation et du vieillissement de la population y entraîne une vulnérabilité à la chaleur qui continuera à s’exacerber.
Des évolutions dans la production et la diffusion des pollens et des spores induites par le changement climatique pourraient se traduire par une augmentation des allergies. Plus de 24 % des adultes vivant dans la région européenne souffrent de diverses allergies, dont des formes sévères d’asthme. Chez les enfants de la région, la proportion est de 30 à 40 % et ne cesse d’augmenter. Le changement climatique a aussi une incidence sur la répartition des maladies à transmission vectorielle. Les tiques (Ixodes ricinus), qui peuvent propager la maladie de Lyme et l’encéphalite à tiques, en sont un exemple.
Selon le Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, en 2019, environ un demi-million de décès prématurés dans la Région européenne de l’OMS ont été causés par une pollution de l’air ambiant due à des particules fines d’origine anthropique, dont une part importante étaient directement liés à la combustion de matières fossiles. On estime qu’environ 138 000 décès prématurés pourraient être évités chaque année grâce à une réduction des émissions de carbone, qui permettrait d’économiser entre 244 et 564 milliards de dollars É.-U.
Les enfants sont plus vulnérables aux effets du changement climatique que les adultes, tant sur le plan physique que sur le plan psychologique. Selon l’Indice des risques climatiques pour les enfants (IRCE) de l’UNICEF, près de 125 millions d’enfants européens vivent dans des pays à risque «moyen à élevé» (le troisième niveau sur cinq de la classification adoptée dans le monde).
Écosystèmes: La plupart des dommages causés par les feux de forêt sont dus à des phénomènes extrêmes auxquels ni les écosystèmes ni les populations ne sont adaptés. Le changement climatique, les comportements humains et d’autres facteurs déterminants créent des conditions propices à une multiplication, une intensification et une aggravation des incendies en Europe, avec de lourdes conséquences socio-économiques et écologiques.
Transports: Les infrastructures et les opérations de transport sont menacées tant par le changement climatique progressif que par des phénomènes extrêmes (tels que les canicules, les pluies torrentielles, les vents violents, l’élévation du niveau de la mer et les vagues extrêmes). De nombreuses infrastructures de transport, parce qu’elles ont été construites en fonction des valeurs limites pertinentes à l’époque pour divers phénomènes météorologiques, ne peuvent pas résister aux conditions extrêmes actuelles.
Politique climatique
Les contributions déterminées au niveau national (CDN) constituent le fondement de l’Accord de Paris et de la réalisation de ses objectifs à long terme. Elles incarnent les efforts que déploie chaque pays pour réduire ses émissions nationales et s’adapter aux effets du changement climatique. En mars 2022, 51 pays européens et l’UE avaient soumis une CDN.
De nombreux pays européens se sont focalisés sur l’atténuation du changement climatique, comme en témoignent leurs CDN. Ceux-ci révèlent que, pour l’atténuation, les domaines prioritaires sont les suivants: approvisionnement en énergie; agriculture; déchets; et utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie.
En 2021, par sa loi climatique, l’UE a conféré un caractère contraignant à la neutralité climatique (l’objectif des émissions nettes nulles à l’horizon 2050) sur son territoire. Elle a fixé l’objectif intermédiaire de 55 % de réduction des émissions à l’horizon 2030.
L’Organisation météorologique mondiale est l’organisme des Nations Unies
qui fait autorité pour les questions relatives au temps, au climat et à l’eau
Notes à l’intention des rédacteurs
Le Rapport 2021 de l’OMM sur l’état du climat en Europe est la première édition d’une série qui sera publiée chaque année par le Conseil régional pour l’Europe de l’Organisation météorologique mondiale (OMM-RA6) et par le Service Copernicus de surveillance du changement climatique (C3S) du programme d’observation de la Terre de l’Union européenne. Il comporte de précieuses contributions des Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN), du Réseau de centres climatologiques régionaux de l’OMM pour l’Europe, du Service Copernicus de surveillance du changement climatique (C3S), de divers organismes du système des Nations Unies et de nombreux experts et scientifiques de la région et du monde entier.
À propos de Copernicus et du CEPMMT
Copernicus est une composante du programme spatial autofinancé de l’Union européenne. Programme phare d’observation de la Terre de l’UE, il organise ses activités autour de six axes thématiques: atmosphère, mer, terre, changement climatique, sécurité et urgence. Il fournit des données et des services opérationnels librement accessibles, offrant aux utilisateurs des informations fiables et actualisées sur notre planète et son environnement.
Le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT) exploite deux services du programme d’observation de la Terre Copernicus de l’UE: le service Copernicus de surveillance de l’atmosphère (CAMS) et le Service Copernicus de surveillance du changement climatique (C3S). Ceux-ci apportent également des contributions au Service Copernicus de gestion des urgences (CEMS), qui dépend du Centre commun de recherche de l’UE (CCR).
Le C3S fournit des informations faisant autorité sur le climat passé, présent et futur, ainsi que des outils permettant aux décideurs politiques et aux entreprises d’élaborer des stratégies d’atténuation et d’adaptation pour faire face au changement climatique. Le C3S publie son propre rapport sur l’état du climat européen (ESOTC) et son analyse pour l’année précédente, en avril de chaque année.
Plus d’informations sont disponibles sous: https://climate.copernicus.eu/
Pour de plus amples renseignements, veuillez prendre contact avec NURIA LOPEZ, attachée de presse et de communication. Courriel: copernicus-press@ecmwf.int, Tél.: +44 118 949 9778 – Tél. port.: +44 739 227 7523
State of the Climate in Europe 2021