Bourses d’études de l’OMM: Accroître concrètement la capacité de prévision

Par Edward B. Wisseh (Libéria), Alpha M.M. Diallo (Sénégal), Kalumbete Irene B (Tanzanie), Nyaga J. Wanjohi (Kenya)
Le bon fonctionnement de la Veille météorologique mondiale (VMM) exige des ressources humaines qualifiées et une infrastructure adaptée. Lorsque la VMM a été mise sur pied dans les années 1960, l’impossibilité de satisfaire à ces deux exigences constituait le principal obstacle à l’établissement par l’OMM et ses partenaires d’un cadre de coopération efficace et utile pour surveiller le temps à l’échelle du globe. Par la suite, l’Organisation s’est employée avec divers partenaires à répondre aux besoins de personnel des pays en développement, par l’entremise de son Programme d’enseignement et de formation professionnelle. Des interventions stratégiques ont énormément aidé les pays à étendre leurs moyens humains et matériels. Ainsi, la coopération instaurée entre l’OMM et la Chine a stimulé la
formation professionnelle et la recherche scientifique dans les domaines de la météorologie et de l’hydrologie et a intensifié la surveillance et la protection de l’environnement à l’échelle régionale, en Afrique notamment. En vertu de cet accord, les titulaires d’une bourse d’études de l’OMM sont formés à l’Université des sciences et des technologies de l’information de Nanjing. Cela a été le cas des auteurs du présent article, qui relatent ici leur expérience récente.
Utilité des bourses d’études
La prévision météorologique consiste à utiliser des connaissances et des techniques pour prévoir l’état de l’atmosphère à un endroit donné. Les prévisionnistes doivent se faire une opinion malgré les incertitudes présentes, ce qui n’est pas chose aisée. Ils doivent apprécier l’information disponible, comprendre les phénomènes en jeu et établir une projection, trois tâches appelées analyse, diagnostic et pronostic en météorologie. Les méthodes de prévision en usage au Kenya, au Libéria, au Sénégal et en Tanzanie – nos pays – s’appuient essentiellement sur les températures, les vents, les précipitations et les variations de pression. La Chine procède à une analyse plus fine de nombreux autres paramètres qui, pas à pas, produit des prévisions exactes du temps. Nous avons donc décidé de quitter nos foyers pour suivre en 2012 une formation de trois mois, grâce aux bourses d’études offertes par l’Administration météorologique chinoise (AMC) et l’OMM.
Les méthodes de prévision en Chine
Depuis une vingtaine d’années, les sciences et les technologies jouissent en Chine d’une remarquable croissance qui a un impact considérable en météorologie, en facilitant surtout les recherches et l’échange d’information. Les deux centres régionaux de formation professionnelle en météorologie de l’AMC, à Beijing et à Nanjing, servent principalement à mettre sur pied de vastes projets de recherche et à promouvoir l’application concrète des résultats obtenus, tout en orientant et coordonnant l’enseignement et la formation professionnelle dans ce domaine.
La Chine possède un dense réseau de stations d’observation en surface et en altitude. C’est l’un des rares pays à exploiter simultanément des satellites à orbite géostationnaire et à défilement, qui composent la série Feng Yun (FY). Les principaux jeux de données utilisés pour la prévision, provenant à la fois des satellites FY2D et FY2E, sont placés dans un serveur central auquel peuvent accéder toutes les stations météorologiques chinoises grâce à un logiciel de prévision. Chaque station provinciale peut ainsi établir ses propres prévisions, sous la supervision du bureau central qui recueille l’ensemble des informations des stations avant de produire des prévisions pour chaque région du pays.
L’analyse des données et la prévision du temps à l’AMC comportent des tâches manuelles, telle l’étude des cartes, et des opérations automatiques, par exemple le report des données synoptiques en surface et en altitude sur des cartes de base par une imprimante spéciale ou le traçage des isolignes. Les prévisionnistes vérifient la qualité de l’intégralité des données. En vue d’accroître l’exactitude des prévisions, l’analyse se poursuit par l’étude de diagrammes T - log p, de diagrammes des vents et d’images de radars et de satellites, ainsi que par la consultation de produits de la prévision numériquedu temps. Ces derniers proviennent du CEPMMT, du Japon, d’Allemagne et de modèles numériques locaux; ils sont comparés aux résultats de l’analyse réalisée par les prévisionnistes.
Tout est mis en oeuvre pour réduire les erreurs. Le dense réseau de l’AMC permet de respecter les normes de l’OMM touchant à l’exactitude de la lecture et de l’enregistrement des données des instruments météorologiques. Aux stations manuelles viennent s’ajouter des stations automatiques afin de limiter les risques d’erreur humaine. La vérification régulière des instruments d’observation sert à minimiser les biais. Les stations situées en zone montagneuse sont construites de manière à mesurer les vents anabatiques et catabatiques. Et la liste des mesures prises ne s’arrête pas là.
Il n’en va pas de même dans la plupart de nos pays d’origine, qui manquent de radars météorologiques et de profileurs du vent en altitude, et qui doivent améliorer leur réseau de stations météorologiques pour étendre leurs capacités de prévision.
Formation professionnelle et liens sociaux à l’AMC
Nous avons suivi des cours sur la prévision pendant les trois mois qu’a duré la formation; certains reprenaient des notions de base, d’autres présentaient des sujets moins connus mais riches d’enseignement, comme les radars météorologiques et la météorologie satellitaire. Cela a affermi nos connaissances, affiné nos méthodes d’analyse et ouvert de nouveaux horizons sur les diverses façons de mettre à profit nos acquis récents.
Nous consultions chaque matin les prévisions émanant de l’Observatoire météorologique central, exercice qui nous a fait comprendre l’ensemble du processus de prévision et saisir l’importance d’étendre les capacités en la matière. Les discussions et échanges avec les professeurs sur les conditions météorologiques, en temps réel, nous ont plongés dans la pratique et nous ont aidés à voir les faiblesses de nos méthodes. L’expérience a été enrichissante et les enseignants l’ont rendu encore plus agréable en organisant des sorties de camping, des dîners et des jeux qui ont créé un climat de coopération et ont facilité l’intégration des étudiants parmi leurs hôtes. Nous avons tissé des liens d’amitié que nous pensons véritables et durables avec nos collègues prévisionnistes de Chine.
De retour dans nos pays, nous étions encore plus convaincus que la carrière de prévisionniste est magnifique, parce qu’une prévision exacte peut atténuer sensiblement le risque d’une catastrophe, sauver des vies et préserver des biens, mission à laquelle nous sommes fiers de pouvoir contribuer.
Les défis à relever
Enseignement – Il faut absolument renforcer les capacités dans le domaine de la météorologie si l’on veut perfectionner et faire progresser les méthodes de prévision dans nos pays d’origine, entreprise à laquelle nous aimerions prendre part. Ceux d’entre nous qui résident dans des pays qui ne disposent pas d’établissement de formation en météorologie entendent rédiger des propositions pour leur création. Les autres suggéreront des façons de moderniser et d’améliorer la formation offerte dans les établissements en place. Les prévisionnistes qualifiés et expérimentés de nos pays devraient avoir la possibilité de partager leurs connaissances, pour le plus grand bien de tous. Des propositions seront faites sur des mécanismes de coopération suivie avec la Chine et de grandes organisations météorologiques afin d’élargir la formation des prévisionnistes, et sur les moyens à mettre en oeuvre pour que les personnes formées dans d’autres pays puissent transmettre leur savoir.
Sensibilisation – Nos concitoyens ne saisissent pas toute l’importance de la météorologie. Il est primordial que la population soit consciente de son immense valeur, telle qu’elle nous est apparue durant notre séjour en Chine. Il faut améliorer les messages de promotion et d’information et accroître la fréquence des séminaires sur la météorologie. Les médias nationaux devraient donner des informations plus cohérentes et ciblées aux utilisateurs – les prévisions ne servent à rien si elles n’atteignent pas le public visé. Il conviendrait également de mettre à profit d’autres moyens de communication, tels les sites de médias sociaux et les réseaux de téléphonie mobile.
Information des autorités compétences – L’amélioration de la communication passe par la mise sur pied d’une structure qui assure la transmission efficace de l’information entre la haute direction et les prévisionnistes,
Coopération avec les autres pays d’Afrique – La coopération entre pays voisins serait bénéfique dans de nombreux domaines, dont l’échange de données, l’affinement des procédures de prévision et la création d’un centre de données que puissent consulter les stations locales pour leurs prévisions.
Il serait bon de diffuser les produits de la prévision numérique du temps établis en Chine et dans d’autres pays pour pouvoir comparer les prévisions. Jusqu’à présent, les modèles étrangers de prévision numérique du temps ont été adaptés à nos conditions locales, mais on devrait s’efforcer de mettre au point des modèles conçus spécialement pour chaque pays afin d’améliorer la qualité des prévisions.
L’avenir
Il reste à l’évidence beaucoup à faire dans nos pays. La priorité est d’appliquer les notions scientifiques que nous avons apprises afin de fournir à la population des services météorologiques ciblés. Notre séjour au sein de l’AMC, du milieu de l’été à l’automne, a été un franc succès et nous sommes aujourd’hui beaucoup plus sûrs de notre aptitude à prévoir les conditions météorologiques. Nous pensons que l’utilisation de notre compétence en Afrique ne peut que rehausser la qualité des prévisions sur le continent et dans le reste du monde. Nos connaissances sont plus vastes et nous avons désormais accès à un large réseau de spécialistes avec lesquels nous pouvons travailler afin d’intensifier la coopération internationale dans le domaine de la VMM et d’autres services que les Membres attendent de l’OMM.
Appel en faveur du Fonds pour les bourses d’études
L’information météorologique joue un rôle décisif dans le développement des sociétés. Comprendre les conditions météorologiques et climatiques est essentiel pour bâtir des milieux sûrs et des économies prospères. Il est crucial de disposer de personnels météorologiques qualifiés et parfaitement formés, car ils sont le fondement même des Services météorologiques nationaux. Les spécialistes de la prévision, des technologies de l’information et des télécommunications sont indispensables pour que l’information météorologique parvienne à tous, au moment opportun. Alors que les Services météorologiques des pays développés peuvent compter sur des effectifs de plusieurs centaines de personnes, dont des spécialistes de divers domaines connexes (agrométéorologie, conditions météorologiques dangereuses, transports, etc.), ceux des pays en développement sont souvent dotés d’un minimum de personnel et ne disposent pas des compétences voulues dans nombre de domaines spécialisés. Cette situation limite fortement leur capacité de fournir aux collectivités concernées les informations dont elles ont besoin pour prendre, en toute connaissance de cause, des décisions affectant non seulement leur vie quotidienne, mais aussi leur survie économique et leur résilience face aux catastrophes naturelles. De plus en plus de pays en développement demandent qu’on les aide à renforcer leurs capacités humaines. Soucieuse de répondre à ces attentes, l’OMM a lancé au nom de ses Membres un appel en vue d’augmenter le nombre de bénéficiaires de son Programme de bourses d’études. Nous VOUS le demandons, PARTICIPEZ à cet effort afin de soutenir nos collègues dans le monde en développement. Jouez un rôle de sensibilisation et contribuez au soutien de professionnels en exercice et de jeunes talents. Appuyez le Programme de bourses d’études de l’OMM et faites un don personnel au Fonds, sur le site www.wmo.int/pages/prog/dra/rmo/WMDappeal.php |
Remerciements
Nous tenons à saluer l’esprit d’initiative dont ont fait preuve le Centre météorologique national et l’OMM en nous offrant la possibilité de suivre cette formation. Toute notre gratitude va à l’Administration météorologique chinoise, à son corps enseignant et à son personnel, pour ces cours soigneusement préparés qui nous ont procuré une solide formation dans une atmosphère stimulante.